Et puis quoi encore!
»
Triste :
« C'est vrai, J'oubliais.
»
Soupir. Suicide à pile ou face.
Pile, je range mon hamburger.
« Ca fait rien. On fait
comme si j'avais rien dit »
« OK. Qu'est ce qu'on se
disait ? »
« Je te demandais si tu
aimais la vie en tournée ».
« Bof ».
DRIVE ME WILDE
Le problème, c'est que leur
foutue maison de l'ORTF, ils m'ont
pas demandé mon avis avant de l'installer
dans le seizième. Du coup, elle
est loin de chez moi.
Du coup, l'aurait fallu se lever
tôt pour être à l'heure (dix
heures et demi ! Où va-t-on ?).
Du coup, il va pas tarder à être
onze heure vingt cinq et moi, j'arrive
tout juste.
Le frisé de la maison de disque
a un oeil sur sa montre.
« Encore raté ! La
prochaine fois, peut-être ...
»
« Hey ! Ho ! Tu vas quand même
pas me dire que les technicos
sont déjà revenus de la pause
de onze heure ! »
« Vas plutôt voir dans les
loges si elle y est. Elle passe
pas avant midi et quart . T'as le
temps ».
Et zou ! Bouh ! Ah le vilain
matin con ! Et le réveil br utus
!
Or, je serais poli, dirai bonjour
à la dame, me ferai moucher mon
nez. J'ai rien à lui demander,
à part bien sûr la question des
chiottes pour hommes : «
Elle en porte ou elle en porte
pas, sous son |
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fute super moulant ?
». Donc rien à lui demander,
puisque zéro + zéro = la tête
à Toto.
Alors toc-toc à la lourde, et un
joli « Come In », et
elle est là , un peu boulotte,
drôlement crevée, lasse avant même
que j'ai commencé. Elle a la
goutte au nez, d'où le museau
qui se plisse et le naseau qui
renifle toute les quinze secondes.
Et puis sous le maquillage, elle
semble grise. L'a pas l'air bien
la gosse.
Assise devant la glace (grande
glace). Avec tous ses pots de
peinture, et ses boîtes à
poudre de Perlimcolor, et ses
bidules à beauté devant elle.
Elle s'en est déjà tartoché
une bonne truellée de chaque. Un
vrai goûter BN. Ca lui démange
d'en rajouter encore une chouille,
mais elle sait pas où, elle sait
pas quoi. Elle s'ennuie et d'hésiter
comme ça, ça l'emmerde. Elle en
est là quand j'arrive.
TELL ME WILDE
« Heu, dis je dérange pas
trop là? »
« Bour l'instant, ça ba
»
« Hem, je beg ton pardon ?
»
Elle renifle.
« Je dis : bour l'instant,
ça ba. Du be déranges bas trop.
»
« Oh, mais, dis donc, t'es
salement enrhumée, toi »
« Brabo », elle renifle.
« T'es un fudé ».
« On essaye. Ca fait
longtemps que tu es dans cet état-là
? »
« Deux jours »
« C'est malin. Et pour ta
voix ? »
Elle sort une petite bouteille de
Courvoisier de sa trousse à
maquillage et la siffle d'un
trait. |
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« Je me débrouille »
« Je vois ça »
« T'as pas un mouchoir ? »
« Heu... non »
« Et un Alka Setzer, t'as ça ? »
« Non plus. T'as la gueule de bois en plus ?
»
« Non. Pas vraiment la gueule de bois, mais
je suis barbouillée. J'ai bouffé trop tard hier
soir et j'ai mal dormi. »
« C'est la forme dis-donc. »
Elle renifle et hausse les épaules en signe d'impuissance.
Une dame blonde entre deux âges entre dans la
loge. C'est peut être sa mère, peut être sa
tante, je sais pas. J'ose pas demander et, de
toute façon, je m'en ramone. La dame me dit
bonjour. Je me lève, je m'incline, et je me
rassieds. Elle dépose une boîte de kleenex
devant la môme.
« Tu veux un café ? »
La môme renifle.
« Et vous, monsieur ? Un café ? »
« S'il vous plaît. »
« Deux cafés alors. »
« S'il vous plaît. »
La dame disparaît. C'est là que ça devient dur.
LA WILDE (PAUVRE INNOCENTE) & LE
CRITIC SHUFFLE
Mon pote négro appelle ça la technique du
« Coup derrière la Nuque ».
Très simple : abasourdir l'interlocuteur en
parlant très vite, sans s'arrêter, même pour
respirer, pendant au moins cinq minutes. Personne
ne résiste. Tout le monde cède. POURVU QUE VOUS
FERMIEZ ENFIN VOT'GUEULE !
Détail : si les circonstances vous contraignent
à porter votre coup derrière une nuque
anglophone, vous avez tout intérêt à prendre l'accent
italien. Vous pourrez ainsi respirer en loucedé
sans cesser de bavasser, en profitant des «
Well-a-yun-no », des « Well-ah-mean-a
» ou des « Letma-tell-a-yo » que
les ritals de Brooklyn lâchent inconsidérément
tous les trois mots. Le Coup derrière la nuque
façon Little Italy favorise aussi une foule de
gestes de ponctuations proprement horripilants
qui achèvent, s'il en était besoin, d'étourdir
l'auditoire. L'important c'est d'arriver à
mettre l'autre à genoux; lui faire bien
comprendre qu'il DOIT payer, signer ou seulement
parler, n'importe quoi du moment que ça PEUT
vous faire taire. Alors, même si l'écriture n'a
aucune chance d'en restituer toute la brutalité,
je vous prie de croire que la môme Wilde a senti
passer ce que je lui ai servi. Fugitivement, j'ai
même eu peur d'avoir forcé la dose. Pendant que
je caquetais, je regardais ses yeux. Au début,
on y lisait la surprise : « Is it ham ? , is
it bacon ? ». Puis vint l'envie d'appeler au
secours. Je sus alors qu'elle était mûre. Il était
temps de conclure. « T'as atteri à quelle
heure, au fait ? »
« Quelle heure ? Je sais plus. Hier soir.
»
« Hier soir ? »
« Oui, hier soir. »
« Tu veux dire que tu n'es pas arrivée ce
matin ? »
« Ben, non puisque je suis arrivé hier soir. »
« Ah ! Ben alors, de toute façon, c'était
foutu. »
« Foutu ? »
« Et oui ! Bien sûr ! Tu comprends, le truc
« Une journée avec Kim Wilde », ça n'a
d'intérêt que si il y a une unité de temps, tu
comprends. Comme au théatre: tu atteris au début
de la pièce et trois actes plus |